Introduction

La rédaction du journal bien connu « Le nouvel Observateur », en collaboration avec la chaîne de télévision culturelle Arté, décidait d’éditer au mois de juin 1997 un numéro Hors série consacré exclusivement à l’Egypte. Cette initiative, intéressante à bien des niveaux, nécessitait la participation volontaire de plusieurs spécialistes. Notre attention s’est focalisée sur un des articles de cette publication, écrit par l’un des participants. En effet, la tentative honteuse de mystification des lecteurs de ce journal opérée par l’auteur de cet article, nous a nécessairement conduit à rédiger un message de mise en garde. Dans la mesure où la vision occidentale traditionnelle de l’Egypte ancienne nous semblait tronquée, car le plus souvent enlevée de son contexte africain, nous avons voulu montrer par un exemple à priori anodin comment certains spécialistes entendent masquer les origines négro-africaines de l’Egypte antique, coupant alors l’Afrique Noire de son passé.

Les préjugés tenaces qui persistent au sein de milieux savants conduisent encore certains, de nos jours, à opter pour l’escroquerie intellectuelle quand bien même les faits imposeraient le respect. Notre  démarche peut paraître étonnante, elle reste néanmoins justifiée. C’est l’égyptologue Cheikh Anta DIOP qui le premier (1954) dénonça la falsification moderne de l’histoire des Noirs africains par l’érudition occidentale, en démontrant l’essence noire et africaine de la civilisation égyptienne ancienne. Il faisait alors renouer l’Afrique avec ses racines, jugées floues et incertaines par l’Occident et ses représentants les plus qualifiés. Les discussions passionnées et diverses, générées par un sujet aussi sensible que l’est celui des origines négro-africaines de l’Egypte, ont pris nettement le visage d’une polémique de forme. En effet, il convient de ne pas s’y tromper.

Car pour le fond, 1974 fût l’année où, officiellement et sous le patronage de l’UNESCO, le débat contradictoire eut lieu entre spécialistes africains et la communauté scientifique des autres pays. Le colloque de 1974, tenu en Egypte, rassemblait une brochette importante de spécialistes tous venus discuter de la question du peuplement de l’Egypte antique. De cette confrontation cruciale opposant les tenants d’une origine noire et africaine des égyptiens anciens (DIOP, OBENGA) et ceux d’une origine leucoderme (blanche) des mêmes égyptiens (les autres participants, U.S.A., France…), il ressortait en conclusion générale des discussions le constat suivant : « La très minutieuse préparation des communications des professeurs Cheikh Anta DIOP et OBENGA (africains présents sur place, c’est nous qui rajoutons) n’a pas eu, malgré les précisions contenues dans le document de travail préparatoire envoyé par l’UNESCO (voir annexe 3), une contrepartie toujours égale. Il s’en est suivi un réel déséquilibre dans les discussions. » (« Le peuplement de l’Egypte ancienne et le déchiffrement de l’écriture méroïtique, actes du colloque d’égyptologie tenu au Caire en 1974 », Histoire de l’Afrique Etudes et documents 1, Belgique, 1978 réimprimé en 1986, p. 101, c’est nous qui avons souligné).

Ce tournant soudain mais décisif, opéré dans l’évolution des études égyptologiques, amena alors la communauté scientifique internationale à s’intéresser de plus près à cette nouvelle voie. Voilà pourquoi les années 1980 virent se mettre en oeuvre des travaux supplémentaires d’anthropologie sur les momies égyptiennes, puisqu’il s’agissait par cette démarche de rendre plus probantes les conclusions du colloque de 1974.

Les domaines de la génétique et de la biologie apportèrent leur contribution puisque par l’analyse de la pigmentation (après C.A. DIOP) et de l’ADN des momies, on entendait fournir des précisions sur les origines ethniques des populations égyptiennes dans l’Antiquité. « L’express », journal d’information aussi connu que le « Nouvel observateur » se faisait l’écho en 1991 de tels travaux, notamment ceux du Docteur suédois Svanté PÄÄBO, archéo-généticien  de l’université de Munich (Allemagne). Ce qui pourrait apparaître comme une déclaration anticipée de la part du journal, n’en demeure pas moins une réalité déjà pressentie dans les milieux très spécialisés puisqu’on pouvait y lire : « D’autres recherches sont en cours, qui pourraient notamment confirmer l’hypothèse lancée il y a quelques mois par des biologistes américains : la civilisation des pharaons aurait été bâtie par des descendants de populations venues d’Afrique noire… » (Gilbert CHARLES, « Les gènes fossiles du Dr PÄÄBO », L’Express, 5/12/1991, pp. 104-106).

Cheikh Anta DIOP Le professeur Cheikh Anta DIOP (1923-1986), premier égyptologue d'Afrique noire.
Conscients de la difficile mais nécessaire tâche à accomplir, les héritiers du pionnier Anta DIOP firent alors émerger en 1992 une revue d’égyptologie et des civilisations africaines, revue intitulée ANKH. Cette dernière, une tribune internationale, est le lieu de rédaction d’articles scientifiques écrits par des savants compétents en grande partie africains. Un tel projet se voulait légitime puisqu’il répondait à une demande faite dans les conclusions du colloque du Caire en 1974. En effet, « celles-ci (discussions dans le débat, c’est nous qui rajoutons) ont toutefois été très positives pour plusieurs raisons : dans nombre de cas, elles ont fait apparaître l’importance de l’échange d’informations scientifiques nouvelles ; elles ont mis en lumière, aux yeux de presque tous les participants, l’insuffisance des exigences méthodologiques utilisées jusqu’alors dans la recherche égyptologique ; elles ont fait apparaître des exemples de méthodologie nouvelles qui permettraient de faire progresser, de manière plus scientifique, l’étude de la question proposée à l’attention du colloque » ( actes du colloque, p. 101, c’est nous qui avons souligné). Voilà brièvement pour le contexte.

Ces quelques données importantes précisées, venons en à la raison principale qui nous a poussé à rédiger ce message. Nous montrerons que, par une attitude malhonnête teintée de racisme, l’un des participants à la rédaction du journal le « Nouvel observateur » a délibérément masqué aux lecteurs la réalité d’une origine noire et africaine de l’Egypte ancienne. Mais avant d’y arriver, il nous faut remonter un peu dans le passé.





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